La situation du
marché brassicole français en 2018 Si la France comptait plus de 3000 brasseries au début du 20ème siècle, on n'en dénombrait plus qu'une grosse trentaine à la fin des années 80. Cette crise majeure trouve ses racines bien entendu dans les destructions liées aux deux guerres mondiales, mais aussi dans l'avènement des bières de fermentation basse nécessitant un investissement important que de nombreux petits brasseurs ne pouvaient supporter. Si l'on rajoute à cela une modernisation des moyens de transport impliquant une plus grande concurrence entre les régions de France, les conditions étaient réunies pour un cycle de concentration industrielle à grand coups de rachats et de fusions. On se retrouve ainsi avec un marché dominé par quelques grands acteurs produisant tous des lagers blondes insipides et pasteurisées. Exit les styles régionaux, tels la bière noire de Lyon dont l'aura dépassait pourtant les frontières. Bienvenue dans un monde aseptisé et standardisé à grand renfort de marketing. Vive les bières lisses et garanties sans amertume "parce que le consommateur n'aime pas ça". Oui, mais voilà, tout comme pour les autres secteurs de l'agro-alimentaire, on a assisté à un retour progressif vers des produits simples, naturels et dont l'origine est de préférence locale. Ainsi, plusieurs centaines de petites brasseries se sont installées, recouvrant la France d'unités de production souvent situées en milieu rural, créant des emplois sur l'ensemble du territoire. Aujourd'hui, ce sont plus de 1300 brasseries qui sont actives en France, soit environ une brasserie pour 50.000 habitants. A titre de comparaison, les Etats-Unis qui sont souvent pris en exemple dans le renouveau de la bière artisanale viennent de passer le cap des 6000 brasseries, soit une brasserie pour 55.000 habitants. Nous n'avons donc pas à rougir de la comparaison! Ces nouveaux brasseurs, se sentant à l'étroit au sein du syndicat historique Brasseurs de France dont le financement est quasi-exclusivement le fait des macrobrasseurs, ont créé en 2016 leur propre syndicat. Il s'agit du SNBI (Syndicat National des Brasseurs Indépendants) qui fédère plus de 300 brasseries, contre une petite centaine pour Brasseurs de France. Ces deux entités auront à cœur de réaliser le lobbying nécessaire auprès de nos autorités afin de donner un peu d'air à ce secteur pourvoyeur d'emplois et pourtant entravé par des taxes bien plus importantes que le vin et des réglementation souvent contraignantes et obsolètes. La filière agro-alimentaire brassicole est aujourd'hui un acteur majeur par son poids agricole et ses circuits de distribution. Elle représente, en effet, près de 64 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 12 milliards d’euros. La France est devenue le premier producteur de malt au monde, avec 1,5 millions de tonnes produites en 2015, dont près de 80% sont destinées à l'exportation[1]. En 2018, le Syndicat National des Brasseurs Indépendants (SNBI) annonçait que les brasseries indépendantes et artisanales françaises employaient environ 3500 personnes et généraient 60 fois plus d’emplois directs que les industriels. 99% des sites brassicoles sont des brasseries indépendantes et artisanales. On constate que 85% des brasseries ont moins de cinq ans. Une quinzaine de grosses brasseries produisent 96% du volume de bière, les 4% restants provenant de plus de 1200 brasseries. La plupart des indicateurs économiques du secteur sont encourageants. La vente de bière en France a augmenté de 3% en 2017, pour atteindre 19,8 millions d'hectolitres[2]. Il s'agit de la quatrième année de hausse consécutive aboutissant à une augmentation totale de près de 17%. Les brasseries de moins de 10.000 hectolitres totalisent environ 2% du volume produit, alors même qu'elles représentent près de 99% du nombre d'entreprises[3]. Les exportations de bières françaises ont bondi de 7% en valeur tandis que les importations grimpaient de 15% en valeur[4] sur la même période. Plus de 50% de la bière importée provient de Belgique[5]. La répartition des ventes de bières en volume montre que le secteur CHR (Cafés, hôtels et restaurants) représente 22.4%, contre 77.6% pour la distribution alimentaire[6]. Avec une consommation annuelle proche de 32 litres par an et par habitant (31 litres en 2016, 30 litres en 2014), la France se classe cependant en queue de peloton du marché européen. La bière représente 19% de l'alcool pur consommé en France[7]. Le nombre de brasseries (lieux de production) en activité est passé de 1023 unités fin 2016 à 1247 unités fin 2017[8]. L'augmentation du nombre de brasseries n'est pourtant que la partie visible de l'iceberg. C'est en effet toute une filière qui est en train de se structurer, du semencier jusqu'au consommateur. On assiste ainsi à une relance dans la recherche variétale de houblon, afin de produire des références aromatiques plus en adéquation avec les nouveaux styles. La superficie des houblonnières, réduite à une peau de chagrin, augmente à nouveau. Et pas seulement dans le Nord et l'Alsace, les néo-houblonniers s'implantant sur tout le territoire afin d'approvisionner en houblons locaux des brasseries locales. Plusieurs malteries régionales ont également été créées. Les malts et les houblons produits par ces petites structures sont essentiellement biologiques, afin de répondre à une particularité de monde brassicole français : 16% des brasseries sont certifiées biologiques sur l'ensemble de leur gamme[9]. Il a également fallu repenser les modes de distribution, cadenassés par les grands groupes industriels, imposant par exemple des contrats de brasserie aux tenanciers de débit de boissons. Des sites de vente en ligne ainsi que des caves à bière ont poussé comme des champignons. Des cafés ne proposant que de la "craft beer" sont apparus, attirant la première génération de beer geeks, toujours à la recherche de nouveautés. Le consommateur lambda, bien qu'il commence à se rendre compte de ces changements, reste à convaincre. Si l'on veut dépasser la barre des 10% de bières "artisanales" consommés en France (contre environ 6% actuellement), il est nécessaire d'éduquer son palais, de parfaire ses connaissances sur les grands styles de bière et surtout de lui proposer dans ses points de vente habituels de produits de qualité à un prix raisonnable. Tout un programme!
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