Planète Bière 2022 : bilan, particularités et dégustations remarquables
Auteur : Emmanuel Gillard - Publié le 7 avril 2022

La huitième édition de Planète Bière s'est déroulée au Paris Event Center le dimanche 27 et le lundi 28 mars 2022. C'est donc près de la Porte de la Villette que s'étaient donné rendez-vous 53 brasseurs et distributeurs qui proposaient ensemble près de 400 bières à la dégustation.

Cette édition 2022 montrait une diminution du nombre de brasseries participant à l'évènement, en particulier certains habitués du salon. Ceci s'explique vraisemblablement par la proximité calendaire avec l'édition précédente, qui s'était déroulée les 3 et 4 octobre 2021 avec plus de 7 700 visiteurs particuliers et professionnels, le plus souvent sur une même année fiscale pour les entreprises.

Quoi qu'il en soit, le salon a été un succès en terme de fréquentation, les organisateurs annonçant que la journée ouverte au public était complète dès 8h14 le jour même.

Voyons ensemble quelles sont les particularités de cet évènement.

Tout d'abord, le public cible. Le dimanche est ouvert au grand public tandis que le lundi est réservé aux professionnels. Et, en effet, l'ambiance entre les deux journées est clairement différente, le lundi se prêtant mieux aux échanges avec les brasseurs et les distributeurs.

Il ne s'agit pas d'un évènement destiné à attirer uniquement les beer geeks, les marques présentées pouvant aller de la pépite impossible à dénicher jusqu'aux marques disponibles habituellement en grandes surfaces. On obtient ainsi une bonne image du marché de la bière, en regroupant au même endroit de petits acteurs (brasserie parisienne La Baleine, Brasserie Orgemont,…), des brasseries intermédiaires (Brasserie de Bretagne, Lancelot, Ninkasi, 3 Monts,…) ou encore des géants du secteur tel AB-InBev dont le stand gigantesque, à l'effigie de la marque Corona, est loin d'avoir connu un grand succès.

L'offre se décline pour moitié environ entre acteurs français et brasseries internationales, avec une présence remarquable de brasseurs américains. Comme lors des éditions précédentes, la Brewers Association avait répondu présent avec pas moins de 21 brasseries représentées, dont les brasseurs étaient souvent sur le stand pour répondre aux questions du public. On peut citer Warped Wing Brewing Co., Urban Artifact, Upslope Brewing Co. ou encore The Bold Mariner Brewing Co. Une occasion unique de déguster des bières souvent introuvables dans l'hexagone.

Il s'agit d'un salon de dégustation, pas d'un marché ou d'une foire. Il n'y a aucune vente sur place. Les dégustations de bières sont incluses dans le prix du ticket d'entrée et se font en petite quantité, afin de pouvoir multiplier les expériences gustatives.

Enfin, le salon se démarque certainement par l'abondance de conférences, à tel point qu'on peut regretter que celles-ci entrent parfois en concurrence, se déroulant en même temps au sein de deux espaces distincts parfaitement aménagés. Il y avait ainsi pas moins de 19 conférences de 45 minutes durant les 15 heures d'ouverture du festival! Les sujets abordés étaient variés (https://www.planete-biere.com/conferences), avec des interlocuteurs reconnus venant de tous les horizons.

En parcourant en long et en large les allées du salon, voici mon compte-rendu gustatif des quelques produits qui sortaient du lot. Du côté des brasseries françaises, tout d'abord.

La brasserie Vivat, anciennement dénommée Brasserie historique de l'Abbaye du Cateau, offrait un agréable Barley Wine élevé 9 mois en fûts de rhum. Dénommé "Jolly Roger", on distinguait des raisins blancs secs, du tabac blond, des fruits secs, du caramel liquide et une pointe d'acétaldéhyde. Corps dense et soyeux qui masque bien le degré d'alcool. En seconde bouche, on retrouve de manière plus conventionnelle le bois toasté, la vanille et le rhum brun.

La brasserie La Parisienne proposait notamment une "Impératrice Joséphine Pils Impériale" de très belle tenue. Présentée dans une jolie bouteille galbée de 75cl, l'apport conséquent en malt Pilsen est compensé par une franche amertume un rien terreuse. Le houblon Brewers Gold contribue à des flaveurs d'orange un peu confite.

La "Maddam Vintage 2021" élevée en barriques de Chablis, de la brasserie Maddam, offre du citron confit, une acescence vineuse et un corps moelleux qui laisse une belle amplitude aux céréales. Equilibré, gourmand, ce produit développe progressivement des saveurs de cidre brut et de bois mouillé. L'amertume est perceptible en finale.

Du côté de chez De Sutter, la "Black Is Black There Is No Hope" propose un houblonnage amérisant et résineux sur les agrumes légèrement confits. Chicorée grillée et café moka constituent la signature des malts Carafa. L'amertume s'affirme gorgées après gorgées.

Le nordiste Gobrecht se démarque grâce à sa "104 Mây Chanh Special Wheat Beer" avec une grosse présence du malt de blé qui apporte une belle rondeur céréalière. La levure phénolique flirte avec une souche de Saison. On distingue une jolie fraîcheur émanant de la citronnelle ainsi qu'une explosion de baies roses qui taquinent les narines.

Du côté de Demory, leur "Audacieuse" est un New England IPA minéral et citrique avec une belle netteté ainsi qu'une fraîcheur houblonnée qui gravite autour du pamplemousse jaune, du citron vert et de la carambole. On poursuit sur une pointe de noix de coco en provenance du houblon Sabro, avant une légère astringence désaltérante en finale.

Enfin, la "Libiereté" de la brasserie parisienne La Baleine est fermentée avec trois souches de levure, dont deux provenant du monde de la boulangerie. Sec et vineux, avec une forte minéralité et une touche végétale qui me ramène immédiatement vers un vinho verde. Pointe de citronnelle et de bergamote pour un maximum de fraîcheur. Un peu de mie de pain en finale.

Concernant les brasseries étrangères, les quatre références proposées par Warped Wing Brewing Co. (Ohio) sont tout simplement irréprochables. Leur "Whiskey Rebellion" se révèle liquoreuse, avec une énorme densité maltée qui finit sur la noisette grillée et le cacao gras. Les tannins assèchent le produit qui laisse alors ressortir le chêne brûlé. A chaque gorgée, la chaleur vanillée du Bourbon explose en rétro-olfaction. La "Grape Creek Must" libère une belle acidité oxydative qui nous rappelle qu'il s'agit bien d'un Barley Wine plutôt réussi avec une grosse composante vineuse qui évolue vers la noix et les fruits secs. Le cépage Cabernet offre une certaine fraîcheur en rétro-olfaction.

Improbable mais réussie, la bière "Astronaut Food" d'Urban Artifact (USA) se distingue par son degré d'alcool (15%) et sa quantité de myrtille (51%). Entre moût de raisins rouges, purée de cassis et de myrtille, des notes boisées renvoient aux noyaux de cerise. A boire et à manger, l'acidité lactique évoquant un milkshake tandis que l'acidité citrique tranche et équilibre l'ensemble qui cache bien son degré d'alcool. Finale étonnamment astringente qui laisse le coulis de myrtille ressortir en finale.