Accords bières et mets Les personnes intéressées par cette thématique pourront en apprendre bien plus en feuilletant la revue trimestrielle Mordu. Quatre ans après la création du magazine Bière & Mets, Élisabeth Pierre nous propose depuis octobre 2022 une nouvelle formule enrichie, pour ouvrir notre univers au-delà de la bière et de la gastronomie. Mordu, c’est le magazine des épicurieux, qui rend accessible au plus grand nombre une vision du bien manger, du bien boire, du bien voyager et du bien vivre ! Les accords bières et mets sont en vogue. Ils attirent de plus en plus les professionnels comme les amateurs qui veulent expérimenter. Au-delà d’une simple intuition, nous allons énumérer certaines règles permettant d’améliorer vos chances d’atteindre l’accord parfait. Si autrefois la bière était utilisée pour cuisiner un plat, elle est désormais considérée comme une boisson qui peut parfaitement accompagner un plat. Les plats dans lesquels la saveur de la bière se manifeste effectivement sont très rares. Il vaut donc mieux mettre la saveur de la bière en valeur en la dégustant avec un mets qui est en parfaite harmonie. Il est utile de servir la bière dans un petit verre, afin d’éviter qu’elle perde son gaz carbonique. Un verre de plus petite contenance présente deux autres avantages : celui de renouveler plus fréquemment le contenu et donc de limiter son oxydation, mais également de garantir le maintien à une température adéquate. Souvent, lors d’un menu à la bière, on aurait tendance à augmenter la teneur en alcool, l’intensité gustative et la plénitude en bouche des différents accords bières et mets qui se succèdent. Ceci conduit inexorablement à une fatigue des papilles gustatives. Après une certaine évolution croissante, il vaut mieux faire une pause pour ne pas trop charger les papilles. Servir un entremets, par exemple un sorbet accompagné d’une bière acide, peut également s’avérer utile. Une erreur courante est de ne prendre en compte que l’ingrédient principal d’un mets (viande, poisson, volaille) pour établir l’accord avec une bière, alors même qu’il faut tenir compte de l’ensemble des ingrédients, en incluant les légumes ou les accompagnements. Une règle primordiale est de conserver l’équilibre entre la bière et le mets. Les deux doivent travailler ensemble, être au service l’un de l’autre. Ainsi, la bière ne doit pas dominer l’accord, même si on souhaite la mettre en valeur. A l’inverse, le mets ne doit pas non plus écraser la bière en la reléguant à une simple boisson fraîche et pétillante. Les deux doivent former un couple équilibré et travailler en harmonie. Les deux composantes doivent propulser l’accord à un niveau supérieur qu’elles n’auraient pas pu atteindre seules. Un corollaire de cette règle est que la bière et le mets doivent avoir une intensité similaire, que ce soit au niveau de la puissance ou de la durée en bouche. On imagine aisément qu’un Imperial Stout ne sera pas des plus adéquats pour accompagner une salade! Dégustez d’abord le met et prenez ensuite une gorgée de la bière que vous avez choisie pour aller avec. Observez ce que vous ressentez. Vous pouvez faire une pause et faire la même chose dans le sens inverse afin de prendre le temps d’apprécier des saveurs différentes avec le même accord.
Renforcer, contraster, compléter La bière peut renforcer un mets, contraster avec ou le compléter. Un accord de renforcement (ou de similitude) consiste, par exemple à accompagner un dessert au chocolat avec une bière développant des flaveurs chocolatées. Il s'agit ainsi de jouer sur un point commun entre la bière et le met. Cet élément commun pourra être décliné en faisant varier les textures, afin d'obtenir des accords plus complexes. Par exemple, en associant une tarte aux fruits (texture solide) avec une bière utilisant les mêmes fruits (texture liquide). Dans un accord de contraste, on essaie d’équilibrer un mets ou une bière en gommant une flaveur dominante. Ainsi, un fromage crémeux et gras pourra être compensé avec une bière acide ou amère. Si l’on veut tenir compte de la texture, une bière fortement carbonatée (forte saturation en gaz carbonique) pourra « trancher dans le gras » et nettoyer le palais.
Enfin, une bière pourra également venir en complément d’un met, afin de lui ajouter une composante gustative que le met ne possède pas. Ainsi, un gâteau au chocolat pourra être complété par une bière aux fruits rouges, afin d’aboutir à un résultat évoquant un dessert Forêt Noire. On peut même utiliser la bière pour apporter un élément que l'on aura volontairement omis d'ajouter au met. La bière fait alors partie intégrante du met, au même titre qu'un assaisonnement ou une sauce.
Il est bien évidemment possible de combiner plusieurs types d'accord dans un seul accord. Un lambic à la framboise, associé à un dessert aux framboises, offrira à la fois un accord de contraste (acide et sucré) et un accord de similitude (framboises sous forme liquide et solide). Si ces éléments constituent une base théorique utile pour établir des accords, il reste indispensable de valider un accord en le soumettant à la dégustation, si possible en y associant plusieurs personnes.
Exploitez les spécificités de la bière La bière n’est pas le vin. Le but n’est pas de favoriser l’un par rapport à l’autre, ils ont tous les deux leur place à table. Mais la bière dispose de caractéristiques spécifiques qu’il convient d’exploiter au mieux. L’acidité de la bière est un élément distinctif important avec le vin. Dotée d’un pH généralement compris entre 4 et 4.5, cette acidité apporte une sensation de fraîcheur qui permet d’équilibrer un plat gras en lui apportant un peu de légèreté. Le poisson va demander à être marié avec du citron, du gingembre ou encore de la citronnelle. Ces ingrédients ont un point commun : l'acidité... que l'on retrouve notamment dans les Sour Ale, Gose et Lambic. Un bon exemple serait d’accompagner du maquereau légèrement fumé avec un lambic, dont le pH peut descendre en dessous de 3.5, l’acidité venant trancher avec le gras du poisson. L’amertume est une autre caractéristique indissociable de la bière que l’on peut exploiter pour équilibrer des plats particulièrement riches, sucrés ou épicés. Un India Pale Ale permet ainsi d’atténuer la puissance d’un plat pimenté, tel un chili con carne. L’amertume étant souvent une flaveur qui reste longtemps en bouche après la dégustation, il faudra en tenir compte afin de déterminer si une bière amère est apte à accompagner un plat dans la durée. Dans tous les cas, l’amertume ne doit pas être envahissante au point de cacher la finesse d’un plat. La carbonatation, dont la représentation visuelle est l’effervescence, est une caractéristique importante de la bière jouant sur le sens du toucher. Pour rappel, il s'agit de la sensation de picotement perçue en bouche, liée à la désaturation du liquide en gaz carbonique (CO2). Ce gaz carbonique est apparu lors de la fermentation et de la garde. Le CO2 se libère en partie lorsqu'on verse le liquide dans le verre, entraînant la formation de mousse. Le CO2 dissout résiduel constitue alors la base de la carbonatation ou pétillance de la bière. Dans les accords bières et mets, la carbonatation joue un rôle important de nettoyage des papilles, ce qui est d’autant plus intéressant pour un met lourd ou gras qui aura tendance à saturer les papilles. La carbonatation modifie également la texture d’un mets en l’aérant, en le rendant plus léger, voire liquide en bouche. Une bière suffisamment carbonatée est donc recommandée sur des mets sucrés, riches et gras, en apportant une sensation de légèreté et de fraîcheur à l’ensemble. Le CO2 étant un gaz acide, il accentuera la perception de l’acidité d’un met et pourrait contribuer à une sensation piquante trop importante sur un mets lui-même acide. La sucrosité est une caractéristique que le peut exploiter, en particulier pour équilibrer un mets salé. Il faut cependant prendre garde à ne pas saturer le palais au point de rendre la combinaison écœurante. Le caramel provenant des certains malts s’accorde en général bien avec les plats au barbecue ou encore le poulet rôti. La caramélisation de la viande provoquée par la cuisson au barbecue trouvera écho dans les flaveurs caramélisées d’une Amber Ale qui apportera en plus la carbonatation nécessaire pour alléger l’ensemble. Le torréfié fera en général bon ménage avec les viandes rouges grillées ou les poêlées de champignons. Les composés empyreumatiques peuvent aussi contribuer à l’amertume d’ensemble. L’alcool provoque une sensation de chaleur en bouche, et intervient donc sur le plan tactile. Il faudra donc éviter de le combiner avec des mets épicés. Son rôle d’amplificateur des flaveurs fait souvent merveille sur des mets riches ou sucrés. Il est ainsi prédestiné pour bon nombre de fromages ou de desserts. Le fruité d’une bière, qu’il provienne du houblonnage, des levures ou de l’utilisation de fruits, peut aussi offrir de jolies combinaisons. Essayez par exemple un pairing avec du foie gras ou une viande blanche (rôti de porc, jambon à l’os,…). Enfin, l’élevage en barriques offrira également une large palette de flaveurs qu’il conviendra d’exploiter. Que ce soit l’influence du bois utilisé (toastage, vanille, boisé), l’apport de l’ancien contenu des barriques (vin, spiritueux,…) ou encore l’utilisation de foudres usagés pour l’acidification de la bière (lactique, acétique, brettanomyces,…), la palette aromatique offre de nombreuses perspectives pour réaliser des accords.
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